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Articles

Affichage des articles du avril, 2020

Diagonale, poule en carton et grande claque

La diagonale, oui j’ai déjà appris ça : c’est quand deux lignes ne se touchent jamais ? Printemps 1990. Enseignement en grève en Belgique francophone. Je suis en quatrième secondaire et j’explose de vie. L’école est fermée, vive les arbres en fleurs, l’herbe insolente, les oiseaux rieurs   ! Je n’ai aucune angoisse quant aux cours mis en pause ou à mon avenir. Je suis dans l’immédiat, très souvent en vadrouille, dans ce mélange typiquement adolescent d’oisiveté, de nonchalance et de spontanéité. Aucun parent à l’horizon, ils travaillent, les pauvres. Mon quotidien est fait de potes, de temps qui passe lentement et d’explosion des hormones. Je n’ai pas encore lu  Jo  de Derib, mais je sais qu’il me faudra composer avec le danger du virus à pointes. Je me découvre sensuelle. Je prends des mains sans raison autre que le besoin d’être en contact, j’embrasse, je caresse, j’étreins. Je suis avide de discussions interminables, de silences partagés, de franches rigolades. Le monde est à

Autopsie d’une domination paternelle

Durant le confinement, les sphères du public et du privé se mélangent. Ces deux univers opposés et genrés fusionnent. L’homme quitte la place publique pour coloniser l’espace privé. L’homme important, blanc, hétérosexuel, cisgenre, valide, patron se retrouve délesté de son pouvoir. Que t’arrive-t-il alors, à toi, le dominant ? Tu m’aimes. Mais il m’est douloureux de me taire. Les ressentiments restent coincés dans ma gorge avant même d’être transformés en mots. Ils s’accumulent et finissent par m’étrangler. Ils gonflent et me remplissent. Ils tendent mes muscles. Moi qui ai fait de mes convictions mon projet de vie, je peine à te communiquer l’oppression que tu perpétues sur ma mère et moi depuis mon enfance. Adolescente, je pensais que c’était simplement mon rejet de l’autorité. Maintenant que je reviens à la maison, je vois l’évidence frappante. Je ne connais pas meilleur oppresseur. Pourtant, tu m’aimes. Enfin c’est ce que me dit ma mère quand elle essaye de te trouver d

Tomber amoureux·se en confinement

On entend beaucoup parler des liens qui se défont dans des couples ou des familles en souffrance pendant le confinement. Pas simple de gérer ses propres angoisses, celles des autres ; pas simple non plus de coordonner les quotidiens bouleversés de chacun·e. Tout est à réinventer et on n’a pas toujours la disponibilité d’esprit pour s’y contraindre. Pourtant, aujourd’hui, j’aimerais évoquer une toute autre histoire du confinement, celle du confinement qui crée des liens superbes, voit émerger des amours naissants et s’épanouir de puissantes émotions. Sans ce confinement, je n’aurais sans doute pas reçu cette lettre puissante, sincère, belle, tout simplement belle. Une déclaration d’amour enflammée comme on n’en envoie que lorsque tout s’arrête, qu’on n’est plus pris dans son quotidien, dans le confort des certitudes, quand on prend enfin le temps de penser à soi, aux autres, d’observer la nature qui change, d’écouter le silence d’une ville comme endormie et enfin de sonder puis d’

Amour, rage et confinement

Moi qui pensait juste pouvoir ralentir, l’un dans l’autre ça tombait bien ce confinement. Enfin, pour préciser j’étais un peu au bout du rouleau, j’avais besoin d’une pause.  La première semaine, j’ai glandé tant que je pouvais. J’ai trainé en pyjama, pas lavée. C’est à peine si je me brossais les dents. Je passais la plupart de mon temps sur le canapé, sous le plaid à mater des séries comme une addict. Le canapé était devenu ma base, je bouffais même dedans, c’était mon vaisseau. Je ne suis pas sortie pendant cinq jours. J’ai failli péter un plomb, je me suis dit que ça n’allait pas le faire. Il me fallait un peu de dignité. Le matin, j’ai recommencé à prendre une douche, à m’habiller, à porter des bijoux et même du parfum. Mais attention, pas question de mettre un soutien-gorge ni de me raser quelque poil que ce soit. Dans les quelques lignes un peu trop romancées (et qui m’ont pris plusieurs jours sans trouver les mots justes pour la fin) je parle d’espaces. Des limites sp

Le bouleversement du confinement

Le confinement : un mot, un assemblage de lettres, un ensemble de quatre syllabes n’ayant jamais fait autant écho pour l’ensemble des communautés. Ce nom commun pourtant si lointain devint soudainement familier suite à l’apparition d’un virus dénommé « Covid-19 » ou « Coronavirus » occasionnant une pandémie mondiale. Une contagion suscitant obsessions, hantises, inquiétudes et nous confrontant à l’essence même de ce que l’être humain a été, est et sera à jamais : un être mortel. Aujourd’hui, le terme « confinement » préside dans le discours de chacun·e, délimitant la frontière entre l’extérieur et l’intérieur. Un périmètre circonscrit entre le dedans et le dehors. Une délimitation invisible à l’œil nu mais venant brutalement faire ancrage dans nos modes de vies actuels. Une situation vécue différemment par les êtres humains, selon leurs particularités intrinsèques et personnelles, leurs modes et milieux de vies, leurs milieux professionnels et leur environnement socio-culturel. N

Non, mes ami·es, je compte les heures…

Tututuuuut, tutututuuuuut, tutututuuuuut… zut, merde, le réveil, il faut que je me lève avant que mon fils ne se réveille… Je cours, je saute, j’arrive au salon et avec une précision digitale digne d’un prestidigitateur, j’arrive à l’éteindre dans un temps record. Silence… je regarde à gauche et à droite, je tiens ma respiration. Et du coup, j’entends… Mamaaaaaaaaaaa ! Mon heure de tranquillité a disparu avant même d’avoir commencé. Youpi… une spirale d’activités frénétiques va commencer… pour que mon petit être vivant soit occupé et me fiche la paix… le temps que ça dure.  Allez, hop ! Une fois le deuil de mon heure matinale passé, j’affiche mon meilleur sourire et je me dispose à commencer la journée… ou plutôt à survivre à cette journée.  On débute avec le petit-déj, on continue avec une persécution à travers la maison pour s’habiller (oui, les spécialistes - maintenant il y en a plein - expliquent qu’il faut que les enfants aient une routine, histoire de pas rester en pyj

Parents et confinement

J’ai entamé, quelques mois avant le confinement, un travail par rapport à ma famille biologique. Les nombreux entretiens avec la psychologue ont mis la lumière sur la relation abusive que mes parents entretiennent avec moi. Je suis gouine, butch et non binaire. Pour me faire une place au sein de cette famille, j’ai pris le rôle de l’oreille toujours prête à recevoir les tourments et les confidences (parfois un peu trop intimes de mes parents), de l’épaule toujours prête à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit, la personne de compagnie qui mettra sa vie sur pause pour accourir auprès de ses parents quelle que soit la situation.  Ce rôle changeait selon les humeurs de mes parents. Si iels étaient en crise de couple, ce qui pouvait durer des mois et des mois, j’étais leur défouloir. Iels me faisaient comprendre que je n’étais qu’une erreur, un accident. J’étais là pour m’en prendre plein les oreilles et être rabaissée. Les nombreux entretiens avec la psychologue

Amour et écriture en confinement

On ne se rend pas forcément compte à quel point le climat actuel peut nous impacter. Certes nos quotidiens sont bouleversés, mais cela touche aussi des aspects plus profonds de notre psychologie. Cette situation remet en jeu un certain nombre d’expériences passées et de questionnements profonds sur notre personne.  J’ai la chance de pouvoir vivre ce confinement d’une part avec ma famille et d’autre part avec mon copain. Dernièrement, j’ai passé une semaine chez lui et cela a fait émerger en moi une série de doutes. Je suis, bien entendu, certaine de mes sentiments mais étant donné qu’on s’est séparé l’année dernière, en raison d’une cohabitation peu fructueuse (bien qu’elle nous ait appris beaucoup sur nous et sur notre couple), devoir vivre nuit et jour avec lui a mis sur le tapis une série de questionnements. Notre couple est-il assez fort que pour ne pas s’installer dans une routine ? D’autant plus que nos quotidiens sont actuellement très répétitifs et laissent peu de place à

Confinée, libérée

Je ne me lave pas. Je ne me rase pas. Je ne m’épile pas. Je n’écoute plus les infos et pourtant, à travers la brume, les bribes du monde me parviennent, assourdies,… celles que je me refuse d’entendre comme par exemple la recrudescence des violences faites aux femmes. Pourquoi refuser cette réalité alors que depuis le début du confinement je me félicitais d’avoir quitté homme et enfants. Je ferme les yeux… vertige…  Flash-back, c’était hier… mon mari d’alors me fait remarquer que la vaisselle traîne toujours sur le plan de travail et m’apostrophe : « Tu ne vas pas me dire que tu étais débordée au point que tu n’as même pas eu le temps de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle ? », « Tu ne travailles pas, tu peux m’expliquer ce que tu as foutu de toute ta journée ? », « Avec ton job (ndlr, enseignante), tu ne vas quand même pas me dire que tu es épuisée ? Surtout avec tous tes congés, tu bosses à peine six mois par an, à salaire horaire, tu touches plus qu’un ministre… t’aurai

Le (dé)confinement, cet enfermement hétéronormatif

En voiture ! Papa, Maman, le chien et les deux enfants (un garçon et une fille, la complémentarité c’est toujours mieux) s’entassent dans le véhicule familial. Les valises sur le toit, la maison en briquettes bien verrouillée…  Pendant l’absence, les cariatides et les lions en béton veilleront. Aujourd’hui, la famille Rantanplan part en vacances ! Direction les forêts d’Ardennes, les baraques à frites de la côté flamande ou les berges des Lacs de l’Eau d’Heure. Les vacances seront nationales ! Non, nous ne sommes pas dans les années 1960 et ce n’est pas mon grand-père qui découvre ses premières vacances à Middelkerke. La Belgique de Papa est de retour. Romantisme d’été national et retour du foyer radieux. Restez chez vous, restaurez votre couple, consacrez enfin du temps à vos enfants… voici le message qui tourne en boucle dans les médias, souvent réduits à une courroie de transmission des messages de mobilisation.  Il faut se serrer les coudes, casser sa tirelire pour financer l

Enfin une bonne nouvelle !

Tu te promènes tranquillement dans les rues, de plus en plus vides. Cette situation te tourmente un peu plus chaque jour. Alors tu allumes ta cigarette mais bizarrement elle ne te goûte pas. Tu la jettes après quelques bouffées. Tu attrapes ton paquet de chewing-gum, tu en mets un dans ta bouche cependant il te laisse un goût amer. Étrange. En voyant une femme rentrer chez elle avec son sac de course, tu repenses à cet article de  Au féminin , qui parle de ces meufs françaises qui ont reçu des contraventions pour avoir été chercher des protections hygiéniques. Ça te met sur le cul parce qu’à choisir entre du PQ et des tampons, tu prendrais la deuxième option. Pisser, tu peux le contrôler et le faire dans ta baignoire. Même en confinement, le monde a un problème avec les fluides corporels, en particulier lorsqu’ils jaillissent d’une chatte. La petitesse de ton existence te fait te sentir bien misérable dans cette énorme industrie capitaliste où les biens de première nécessité ne sont

Éros et Thanatos

J’ai toujours pensé que la peur et le désir sont les deux moteurs de l’humanité. Comme une sorte d’explication finale de tous les comportements de nos sociétés. Voilà, c’est dit ;-) Les effets qu’ils génèrent ne me semblent pas bons ou mauvais en tant que tels, mais ils sont bien différents. Nous acceptons le confinement par peur de la maladie, nous le vivons avec la lourdeur de ce qui nous manque… ou bien nous le faisons par désir de protéger les autres et nous le vivons avec l’attente des retrouvailles. Ou peut-être les deux à la fois, c’est humain. Ces jours - déjà 30 ! -, je les ai vécus assez stressé : des urgences au (télé)travail qui ne nous permettent pas de soigner l’essentiel, les tâches ménagères que je ne supporte pas, les ami·es qui meurent et plein d’autres qui – comme moi - se sentent désorienté·es par moments. Je suis confiné seul, mon copain n’est pas là et je dois dire que je le sens plus présent que jamais. Nous parlons plus souvent que d’habitude et nous nous

Maternité : quand le confinement accentue la douleur…

J’essaie péniblement de me concentrer sur le texte d’une étude scientifique alors que ma fille de trois ans chante à tue-tête en construisant une tour de Duplos à quelques mètres de moi. Je suis déjà ravie qu’elle joue seule depuis dix minutes et ne me tire plus la manche pour que je vienne l’aider. C’est la quatrième fois que je relis la même phrase sans la comprendre, impossible pour mon cerveau de la traiter. Le père de la petite dort au premier étage. Il a pris congé aujourd’hui, pour s’occuper de notre fille. Du coup, j’essaie de lui ménager un petit espace de repos. J’ai sorti le chien en intimant à ma fille de ne pas faire de bruit, parce que : « papa dort, il est très fatigué… ». C’est que je ne peux pas me plaindre, mon mari est un féministe bien qu’il ne se se soit jamais considéré comme tel… Il est conscient des inégalités entre hommes et femmes et estime qu’il faut tout faire pour les combattre ; l’idée qu’une tâche ménagère ne soit pas pour lui ne lui a jamais traversé l