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Confinée, libérée

Je ne me lave pas. Je ne me rase pas. Je ne m’épile pas. Je n’écoute plus les infos et pourtant, à travers la brume, les bribes du monde me parviennent, assourdies,… celles que je me refuse d’entendre comme par exemple la recrudescence des violences faites aux femmes. Pourquoi refuser cette réalité alors que depuis le début du confinement je me félicitais d’avoir quitté homme et enfants. Je ferme les yeux… vertige… 

Flash-back, c’était hier… mon mari d’alors me fait remarquer que la vaisselle traîne toujours sur le plan de travail et m’apostrophe : « Tu ne vas pas me dire que tu étais débordée au point que tu n’as même pas eu le temps de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle ? », « Tu ne travailles pas, tu peux m’expliquer ce que tu as foutu de toute ta journée ? », « Avec ton job (ndlr, enseignante), tu ne vas quand même pas me dire que tu es épuisée ? Surtout avec tous tes congés, tu bosses à peine six mois par an, à salaire horaire, tu touches plus qu’un ministre… t’aurais quand même pu nettoyer la maison. » « J’ai envie de toi… allez, fais un effort…  tu sais, l’appétit vient en mangeant comme on dit. En tout cas, tu ne sais pas ce que tu rates ». « T’es pas marrante, le soir venu, tu t’affales dans le divan et tu dors comme un sac ». 

Le soir venu, j’allais me coucher, quand effectivement je ne m’assoupissais pas dans le canapé. J’allais me coucher avant lui, je dormais ou tout du moins je lui faisais croire. Il montait me rejoindre quelques heures plus tard et se collait contre moi, la main sur la hanche, la main qui descendait entre mes jambes et qui tentait de se faufilait jusqu’à mon sexe sec. J’étais en chien de fusil, jambes serrées, habillée comme un eskimo. Il s’agaçait de cette « manie » en me disant que c’était pénible car il fallait m’éplucher comme un oignon. Après plusieurs jours sans sexe, je me disais qu’il serait temps que j’y passe, histoire de libérer les tensions, au propre comme au figuré.  J’attendais que ça passe, je n’ai jamais joui. Après ces rapports, je me retournais sur le séant en pleurant doucement. Parfois il s’en rendait compte et ne comprenait pas. Pendant longtemps j’ai cru que mon salut viendrait des hommes, jusqu’au jour où j’ai compris qu’il ne dépendait que de moi alors je suis partie. Il n’a pas compris, il ne comprendra jamais. Je suis partie pour me retrouver, pas pour le retrouver. Dans un sursaut de rage, mon ex m’a lancé : « tout ça pour un minable petit coup de bite ! ça ne te dérange pas de foutre en l’air deux familles, hein ? Tu vas le regretter ! ». Je n’ai jamais regretté.

La fin de notre relation fut pénible et relativement « brute ». Il me tançait pour avoir plus de relations intimes prétextant qu’un de ses collègues rentrait le midi uniquement pour « voir sa femme ». Parfois il râlait en me disant que je le chauffais et que je n’assumais pas, que je le laissais « en plan », vraiment j’étais dégueulasse ! Je me rappelle les derniers instants de cette relation (plus de 20 ans quand même), je me rappelle comment j’utilisais mon corps pour le satisfaire rapidement. Je me rappelle ses paroles « tu me prends vraiment pour un con ? Tu crois que j’ai pas compris ton petit manège pour que je jouisse plus vite ? Il me disait cela, en me fixant, les yeux déjà voilés, tout occupé à sa jouissance. Il râlait de perdre le contrôle et ce moment était le mien, pour un instant.

Alors, quand au milieu de ce brouhaha médiatique m’est parvenue l’info qu’il y avait un risque de recrudescence des violences intrafamiliales, j’ai refusé. Parce que les « femmes battues » ce n’était pas moi, je ne recevais pas de coup. Ce corps docile, ce corps soumis et rétif, ce n’était pas le mien. 

Maintenant j’ai appris que j’ai un corps et qu’il m’appartient.
Maintenant, j’ai compris que c’est aussi mon histoire et qu’elle m’appartient.
Maintenant, je jouis et je dors nue.
Maintenant, je ne (dé)compte plus les jours.
Maintenant, je me couche sans inquiétude et je n’ai plus peur lorsque mon mari vient me rejoindre et se colle contre moi en posant sa main sur mon ventre, c’est pour sentir palpiter le monde.
Demain m’appartient.

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