Mains craquelées, ongles cassés, pantalon informe. Je regarde mes mains sur le clavier. Elles n’ont presque plus d’âge. Le temps, je ne sais plus. Quel vertige lorsque l’on est habituée à tout anticiper, tout angoisser d’avance. Collusion du réel sur ma petite vie personnelle. Et au milieu, ce corps, ce corps féminin, lieu originaire de batailles, de luttes pour apprendre à m’y faire. La première fois que j’ai senti une sorte de libération de ce corps, correspondant paradoxalement à un ancrage tout à fait inédit pour moi, fut l’après accouchement. Mon regard sur moi avait changé. Je me regardais, quelque chose d’étonnamment juste m’apparaissait. Un visage et une enveloppe charnelle, comme un tout. Plus d’analyse du détail, plus de recherche de l’imperfection, plus d’impression d’agencements incongrus. Un être là comme ça, en écho face à moi. Cela m’a étonnée à l’époque. Mon combat pour devenir mère m’avait fait mal, partout : un an et demi pour les premiers re...