L’humaine plane, portée sur les crêtes de montagnes russes par le son de sa propre voix. Elle ne saurait plus dire à quel moment sa tirade a commencé. Elle la poursuit d’un ton pénétré. Il lui semble qu’il est vital de réclamer une plus longue réflexion de fond, de demander des précisions méthodologiques. D’exiger une scrupuleuse prudence à l’heure des arbitrages, de plaider pour une nouvelle consultation à tous les niveaux de l’organisation. Ses deux enfants, impatients, font jouer la poignée de la chambre où elle s’est enfermée il y a trois heures, au début de la deuxième réunion virtuelle de la journée. Les voici, « maman, maman », qui l’entourent, tirent sur son jean, tentent de s’emparer de ses bras. L’humaine leur adresse des caresses mi-tendres, mi-distraites. Ce faisant, elle lutte pour ne pas s’interrompre, alors qu’une partie d’elle-même, au bord des larmes d’avoir constaté, une fois de plus, que son mari ne prendrait décidément jamais sa part du travail pa...