J’ai entamé, quelques mois avant le confinement, un travail par rapport à ma famille biologique. Les nombreux entretiens avec la psychologue ont mis la lumière sur la relation abusive que mes parents entretiennent avec moi.
Je suis gouine, butch et non binaire. Pour me faire une place au sein de cette famille, j’ai pris le rôle de l’oreille toujours prête à recevoir les tourments et les confidences (parfois un peu trop intimes de mes parents), de l’épaule toujours prête à n’importe quel moment de la journée ou de la nuit, la personne de compagnie qui mettra sa vie sur pause pour accourir auprès de ses parents quelle que soit la situation.
Ce rôle changeait selon les humeurs de mes parents. Si iels étaient en crise de couple, ce qui pouvait durer des mois et des mois, j’étais leur défouloir. Iels me faisaient comprendre que je n’étais qu’une erreur, un accident. J’étais là pour m’en prendre plein les oreilles et être rabaissée.
Les nombreux entretiens avec la psychologue m’ont permis de voir et d’accepter que cette relation n’était ni saine ni acceptable. À partir de ce moment, j’ai décidé de m’éloigner petit à petit et avec habilité pour éviter un grand drama dont cette famille a le secret. J’y suis arrivée et même assez bien. Ma vie prenait un tournant, j’étais seule à décider, je n’étais plus jugée et infantilisée. Je me construisais petit à petit. Les crises d’angoisse étaient de moins en moins violentes. Bref la vie était plus douce.
Et PAF : confinement. J’avais réussi à partir du groupe familial WhatsApp et me voilà réintégrée, les appels visio orchestrés par mes sœurs se multiplient et mes parents y prennent part la plupart du temps. Tout redevient peu à peu comme avant.
Au début, j’ai accepté et je reprenais petit à petit la place qui m’avait été attribuée. Ce confinement chamboule tout. Je ne sais pas ce qui se passait mais j’avais besoin de ce rapport social qui est une fenêtre vers l’extérieur, de me dire que je retrouvais ma famille biologique. Un peu comme un scénario de comédie romantique. La fille incomprise, « l’originale » de la famille a ouvert les yeux sur l’importance de la famille grâce à la pandémie. Elle se renie pour entrer de nouveau dans le droit chemin. Heureusement, ma vie n’est pas un téléfilm de TF1.
Après chaque échange de messages, les appels en visio, je faisais de nouveau des crises d’angoisse. Tout ça me replongeait dans cette relation basée sur l’abus, une relation que j’avais mis du temps à faire changer comme MOI je l’entendais.
J’ai de nouveau tout quitté (WhatsApp et je ne répond pas aux messages) mais de manière moins subtile, sans les ménager, je suis partie. Le résultat de ce départ, ce sont des mails pratiquement tous les jours. Là où la famille y voit bienveillance et amour, moi je vois de l’irrespect et une tentative de me ramener de leur côté.
J’ai la chance de partager ce confinement avec mon épouse et par message avec des ami·es qui me connaissent et qui ne chercheront jamais à me modeler pour rentrer dans une case. Je suis chanceuse, privilégiée.
J’ai bien plus qu’une famille. Je fais partie d’un CREW.
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