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Articles

Affichage des articles du mai, 2020

« Putain. Je suis enceinte »

« Putain. Je suis enceinte ».  Ce sont les mots que j’ai prononcés après avoir regardé les résultats du test, complètement incrédule. J’y croyais pas. Je n’y crois toujours pas. Je ne suis pas faite pour être enceinte. La maternité ne me sied absolument pas. Et pourtant. Une barre sur le T. Une barre sur le C. Puis rien ne s’est passé comme je le pensais. Je ne me suis pas noyé·e dans des pensées liées au possible d’être mère, d’avoir une vie toute autre, d’avoir l’opportunité de créer quelque chose à plusieurs, de révolutionner le concept de famille. Je n’ai pas sombré dans des tourments liés à l’avortement, de réduire à néant le développement d’un possible humain, promis à de grandes choses ou à de grands frissons, avec qui j’aurais pu bâtir une relation unique. Je n’ai pas été traumatisé·e à l’idée d’aspirer « la vie » de mon corps. Rien. Serait-ce un mini trauma ? Je suis lasse. Je suis fatigué·e. J’ai besoin que ma vie se mette en...

Ça va toujours

Les rais du soleil me lèchent le visage et je m’éveille doucement. De ses yeux rouges et accusateurs, le réveil sur la table de nuit me regarde. Sans doute m’en veut-il toujours de l’avoir éteint d’un coup de main somnolente. 10:23. Funambule noctambule, je marche sur le fil du sommeil, juste au-dessus d’un océan de culpabilité.  Tu ferais bien de te lever, fainéant . Le confinement a vraisemblablement bouleversé l’espace-temps car chaque journée, chaque heure, chaque minute, chaque seconde est similaire à la précédente. Moi, par contre, j’ai changé. Dans le dédale du confinement, mon corps confond la nuit et le jour. Un soleil lunaire et une lune solaire qui, tour à tour, se jouent de moi et de mon sommeil.  Lunatique.  Impossible de m’endormir  et  de me réveiller, je vis décalé… Symptôme de la chauve-souris. Ça vous rappelle quelque chose ?  Je suis perdu. J’ai perdu le compte des jours à rester loin de tout et de toustes. La grande nouvelle d...

Tante M ne répond plus

Un mardi sur deux, je tente ma chance. Je compose ce numéro, inchangé depuis des décennies, transféré depuis une vie de village de banlieue nantaise vers une vie en résidence urbaine pour personnes âgées : je téléphone à Tante M.  Tante M est la seule personne au monde que j’appelle « Tante-quelque-chose ». J’ai des tonnes de tantes par ailleurs, que j’appelle par leur simple prénom, mais Tante M est d’une autre génération, elle est la sœur de mon grand-père. Tante M a quatre-vingt-dix ans. Elle vit dans cette résidence depuis quelque mois, décision prise par la famille suite au décès de J.  J, elle, n’est pas quelqu’une qu’on appelle « tante ». Ah non non, « tante », c’est un titre réservé aux liens de sang et aux liens sacrés du mariage. Aussi, j’ai sept tantes validées par l’ADN, sept tantes validées par leurs unions sacrées avec mes oncles de sang, ainsi que deux ex-tantes dont j’ignore si ce système m’autorise à les considérer ...

Voyager en temps de coronavirus

Je venais d’arriver à Paris lorsque le président français Emmanuel Macron a annoncé le confinement massif de la population en raison de la pandémie du nouveau coronavirus. Paris était la quatrième destination d’un voyage que je faisais en Europe. Dans ma vie personnelle, j’ai essayé de retrouver mon équilibre après la fin inattendue d’une relation amoureuse à long terme. Autour de moi, le monde semblait en déséquilibre complet après l’invasion d’un être invisible et inconnu. Bien que je vivais un drame personnel, j’ai eu l’opportunité, avant la propagation du virus dans le monde, d’avoir une expérience importante pendant le voyage: être seul. Le voyage m’a permis d’être seul dans différents endroits, de marcher librement dans les rues, de m’arrêter pour observer les gens, de donner de l’espace pour ressentir différentes sensations et vivre des situations inhabituelles. J’ai vécu à Lisbonne, Barcelone et Londres au milieu de longues promenades effectuées en compagnie de moi-même. ...

Mauvaise rencontre

Ceci tient d’une confession, une mise en mots pour exprimer ce qui s’est passé, du moins pour en dégager une forme de vérité. Ce texte, ce document, je le pense comme une marque qui me permet d’y voir plus clair, comme une trace sur laquelle je pourrais revenir et qui me permet de me situer. Imaginez un samedi après-midi, la météo est variable, entre froid et chaud, entre pluie et soleil. Le temps peut vite changer. On essaye avec mon amie de se retrouver, quelque part à mi-chemin entre son foyer et le mien. On se donne rendez-vous à Louise. On passe du bon temps ensemble, on discute et on marche dans la ville. On est nerveux, il y a beaucoup plus de gens dans les rues que les semaines précédentes. Comme nous, les gens doivent avoir besoin de sortir, d’avoir du contact, si pas verbal ni tactile, au moins visuel. À plusieurs reprises, on croise la police. La sortie du confinement s’annonce mais je comprends que les espaces publics, nos communs, ces espaces qu’on partage doivent êt...

On ferme !

Voilà que je reprends ma plume. Partager avec vous ce vécu de l’intérieur, du côté des soignant·es m’avait vraiment fait du bien : une bouffée d’air alors que je suffoquais. Écrire et sentir que je ne me trompais pas, que je n’exagérais pas, notamment en lisant vos réactions. J’avais espéré une révolution féministe dans le  care , j’avais invité nos frères à prendre la relève, j’avais pensé qu’un après aurait lieu. Les femmes trop épuisées pour se lever et se battre, il allait falloir dégenrer la lutte, déranger les zones de confort. Toujours en colère, toujours impuissante, je reprends ma plume, la parole en guise de résistance, de résilience ? Une boule dans la gorge quand même. Une manière de me donner une capacité d’agir là où je me sens fragile. Aujourd’hui, je vous réécris. L’après est là, tout près de nous et dans quel état… On ferme  ! Là où on devrait se réjouir, je me retrouve avec une équipe à genoux, humiliée, triste, presque confuse. Ça y est ...

La sexualité en période de confinement ?

Un masque, du désinfectant, des gants, se laver les mains toutes les deux secondes, garder ses distances... Les distances. Est-ce vraiment humain ?  N’est-ce pas insupportable d’être éloigné·es les un·es des autres ?  Nous nous sentons seul·es, isolé·es et, soudainement, nous commençons à apprécier les petites choses de la vie que nous n’appréciions pas auparavant, nos amitiés, nos habitudes, nos routines... Comme par magie, nous regrettons même de ne plus aller à l’université, de ne plus voir nos camarades de cours et nos professeur·es. Si ce confinement nous a appris quelque chose, c’est qu’on ne sait pas ce qu’on a jusqu’au moment où on le perd. Et, en le perdant, nous perdons aussi notre liberté, un de nos droits les plus fondamentaux. Nous avons perdu la liberté de faire des choses aussi simples qu’aller dans un bar pour boire une bière ou dans un parc pour nourrir les pigeons. Mais nous avons également perdu notre liberté dans l’un des domaines l...

Des poils au soleil

Il fait doux, presque chaud à l’abri des murs du jardin. Je suis allongée sur un transat acquis de haute lutte, c’est mon « temps calme » de la journée, un vœu pieux avec deux jeunes enfants qui creusent une toilette sèche - sans sceau ni sciure - à côté du compost. Il faut choisir ses combats. Je veille à ma santé mentale et à leur immunité, moins à nos bonnes relations de voisinage. C’est mon tour de veiller sur notre progéniture, mon conjoint et moi travaillons en alternance, en fonction de nos réunions virtuelles respectives. Ma boss a d’ailleurs du mal à retenir que je suis pas disponible en début d’après-midi, soupir. Je somnole, un vent léger tourne sur la terrasse et vient me rappeler une sensation enfouie, presque oubliée. Celui de mes poils doucement caressés par temps chaud et venteux. Voilà qui me renvoie à mon adolescence ou à mon enfance, je ne sais pas, je ne sais plus. Mais je savoure ce plaisir un brin coupable. Pourtant, je pratique une hibernation épi...

Moments du bain, moments de soin

Après un mois d’intenses douleurs au ventre, ma grand-mère a été diagnostiquée d’un cancer du pancréas métastasé, environ deux semaines avant que la pandémie ne touche notre pays. Dans la quatrième saison de  La Casa De Papel , sortie pendant le confinement, un des personnages rapporte : « Il est mort. Cancer du pancréas. Le genre où il te reste vraiment deux mois à vivre ». Les nouvelles n’étaient pas bonnes, pas bonnes du tout. On s’est dirigé vers les soins palliatifs à domicile plutôt que de tenter, coûte que coûte, une chimiothérapie. Un infirmier, son médecin traitant et ses six enfants, dont ma maman (sage-femme avec une formation d’infirmière), malgré les mesures de confinement, se relaient à son chevet pour que tout se passe « au mieux » pour elle. Ce week-end d’avril, plutôt que d’être à son domicile, ma grand-mère est venue chez mon beau-père et ma mère. Cela faisait près d’un mois que je ne l’avais pas vue – tout juste avant le début de la...

Un peu de temps pour soi

J’ai toujours cru que j’avais une sexualité satisfaisante. Que mes désirs et mes fantasmes étaient tout à fait normaux. Que mes partenaires sexuels me rendaient correctement le plaisir que je leur procurais moi-même. Que je connaissais la jouissance. Ma jouissance. L’hiver dernier, j’ai fait une rencontre des plus improbables. Une rencontre qui m’a fait redécouvrir la sexualité ainsi que ses nombreux plaisirs, et qui m’en a offert de nouvelles conceptions. Certaines d’entre elles qui bousculaient d’ailleurs les précédentes. Bref, une rencontre qui pourrait se résumer en deux mots : charnelle et symbiotique.  Or, toute bonne chose a une fin. J’ai continué mes aventures avec cette idée distincte selon laquelle je connaissais mon plaisir et que ma sexualité était plus libre que jamais. Mais, après lui, rien n’était réellement satisfaisant.  Ce n’est qu’après avoir rencontré une autre personne qui était si douce et attentionnée, mais qui ne savait pas comment me proc...