Accéder au contenu principal

« Putain. Je suis enceinte »

« Putain. Je suis enceinte ». 
Ce sont les mots que j’ai prononcés après avoir regardé les résultats du test, complètement incrédule.
J’y croyais pas.
Je n’y crois toujours pas.
Je ne suis pas faite pour être enceinte. La maternité ne me sied absolument pas.
Et pourtant. Une barre sur le T. Une barre sur le C.
Puis rien ne s’est passé comme je le pensais.
Je ne me suis pas noyé·e dans des pensées liées au possible d’être mère, d’avoir une vie toute autre, d’avoir l’opportunité de créer quelque chose à plusieurs, de révolutionner le concept de famille. Je n’ai pas sombré dans des tourments liés à l’avortement, de réduire à néant le développement d’un possible humain, promis à de grandes choses ou à de grands frissons, avec qui j’aurais pu bâtir une relation unique. Je n’ai pas été traumatisé·e à l’idée d’aspirer « la vie » de mon corps.
Rien.
Serait-ce un mini trauma ?
Je suis lasse. Je suis fatigué·e. J’ai besoin que ma vie se mette en pause, que je tente de me reconnecter. Mais le temps ne s’y prête jamais. Ou durant de courtes durées pleines de promesses, pour s’achever brutalement, quatre mois plus tard. L’infernal même cycle.
Mon rapport au travail ne me convient plus du tout. Il prend une place énorme. La direction m’obsède. Les deadlines m’obsèdent. Les mots sont durs. La confiance est absente.
La vie me heurte. Les gens. Ses fausses illusions.
J’en suis là.
Positif.
J’ai contacté le sperme. Il me manque tellement. Le revoir sur les marches d’un planning familial, ça va être bien.
Il m’a demandé comment je le vivais. J’ai répondu je ne sais pas.
Je continue à être en stand bye.
On m’a fait une vanne de merde sur « l’enfant ». J’ai réagi machinalement, pour la forme. Je n’en avais cure. Je me traîne dans les démarches de l’avortement. Rendez-vous demain. J’ai réfléchi au cadre que je demanderais. A nouveau, machinalement. « Féministe à plein temps. » Je me suis dit que je partirais si je n’aimais pas comment les choses se passent. Je songe à enregistrer ce qui va se dire pour dénoncer éventuellement les paroles dégueulasses qui peuvent sortir de la bouche des professionnel·les.
Cadre : Ne pas me juger, ne pas m’infantiliser (ou ne pas être paternaliste), être transparent·e dans toutes les démarches, tout expliquer, ne pas me donner d’ordre, ne pas se permettre de me questionner sur ma contraception et « réfléchir avec moi à une meilleure ».
Demain. 11H30. En attendant, je plane en surface de toute chose. Je ne suis plus là. Et je suis lasse de chercher quelque chose qui me ramènerait au sol.
Ah oui. Lien Covid : pas droit à un·e accompagnant·e, asphyxié·e sous son masque. Le pont est fait.  Souvenir des freins à l’avortement en cette période terrifiante (bordel). Rappel que je ne peux plus me plonger dans cette actualité, qu’elle m’a complètement dépassé·e. Qu’elle m’est ingérable. Alors j’attends. J’attends le moment où je pourrai redescendre un peu et essayer de me reconnecter à tout ça. A toute cette merde. A tous ces moutons. A tous ces égoïstes. Dont je fais partie.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

« Loin des yeux, loin du cœur »

« Loin des yeux, loin du cœur », disait-on. À l’aube du confinement, tu m’avais quittée par téléphone. La tristesse appuyait sur mon sternum, la cage thoracique broyée, à chaque respiration c’était bagarré.  On s’était pourtant revus quelques fois, s’embrassant et faisant l’amour comme des amants. Mais, à l’appel du virus et de la mort qui se propageait sur tous les continents, nous nous sommes confinés. Malgré l’envie irrésistible de nos corps voulant s’emmêler l’un à l’autre, nous étions finalement séparés.   « Loin des yeux, libidineux ». Au début, nous étions retirés chacun chez soi, tels un ours dans sa tanière et une loutre dans son terrier. Tout a commencé par une simple question à laquelle tu as répondu immédiatement, fait inhabituel pourtant. Et là, sous nos yeux, s’est déployé une parade amoureuse par sms où l’on faisait l’amour chaque matin, on s’envoyait des tuyaux culturels la journée et on s’appelait complètement ivres en soirée. C’était ...

Voyager en temps de coronavirus

Je venais d’arriver à Paris lorsque le président français Emmanuel Macron a annoncé le confinement massif de la population en raison de la pandémie du nouveau coronavirus. Paris était la quatrième destination d’un voyage que je faisais en Europe. Dans ma vie personnelle, j’ai essayé de retrouver mon équilibre après la fin inattendue d’une relation amoureuse à long terme. Autour de moi, le monde semblait en déséquilibre complet après l’invasion d’un être invisible et inconnu. Bien que je vivais un drame personnel, j’ai eu l’opportunité, avant la propagation du virus dans le monde, d’avoir une expérience importante pendant le voyage: être seul. Le voyage m’a permis d’être seul dans différents endroits, de marcher librement dans les rues, de m’arrêter pour observer les gens, de donner de l’espace pour ressentir différentes sensations et vivre des situations inhabituelles. J’ai vécu à Lisbonne, Barcelone et Londres au milieu de longues promenades effectuées en compagnie de moi-même. ...

Ça va toujours

Les rais du soleil me lèchent le visage et je m’éveille doucement. De ses yeux rouges et accusateurs, le réveil sur la table de nuit me regarde. Sans doute m’en veut-il toujours de l’avoir éteint d’un coup de main somnolente. 10:23. Funambule noctambule, je marche sur le fil du sommeil, juste au-dessus d’un océan de culpabilité.  Tu ferais bien de te lever, fainéant . Le confinement a vraisemblablement bouleversé l’espace-temps car chaque journée, chaque heure, chaque minute, chaque seconde est similaire à la précédente. Moi, par contre, j’ai changé. Dans le dédale du confinement, mon corps confond la nuit et le jour. Un soleil lunaire et une lune solaire qui, tour à tour, se jouent de moi et de mon sommeil.  Lunatique.  Impossible de m’endormir  et  de me réveiller, je vis décalé… Symptôme de la chauve-souris. Ça vous rappelle quelque chose ?  Je suis perdu. J’ai perdu le compte des jours à rester loin de tout et de toustes. La grande nouvelle d...