Je te promets de t’oublier, je te promets d’étouffer le reste de cette étincelle en moi, trace de mon amour pour toi. C’est fou ce que les sentiments peuvent basculer d’un extrême à l’autre rapidement sans faire de bruit, mis à part celui d’une dispute le temps d’un confinement subi. Je te promets de me ressaisir pour moi, pour mes enfants, nos enfants et pour cette femme encore très jeune : moi ! Qui ne mérite pas de survivre mais vivre pleinement sa vie même sans toi !
Je n’arrive toujours pas à comprendre comment tu peux être aussi injuste, aussi dur envers moi, face à elle, confinée avec nous pendant des mois déjà ; je comprends qu’elle t’ait donné la vie, que tu lui sois reconnaissant, que tu l’aimes beaucoup, je comprends, crois-moi !
Mais ce que je ne comprends pas, c’est que tu acceptes tout le mal qu’elle m’a fait, le temps d’une soirée, pendant un diner. Ses paroles blessantes, arrogantes, implicitement insultantes me laissent sans voix, mais encore faut-il que je le reste longtemps, non jamais ! Car je suis suffisamment armée pour me défendre sans toi, quoique j’aurais aimé que tu sois juste ne serait-ce qu’une fois, que tu fasses la part des choses au lieu de m’abandonner au moment où je fus agressée par elle, elle que tu chéris si tendrement.
Elle, que j’aimais beaucoup, aussi parce qu’elle t’a mis au monde pour que je te rencontre un jour, c’était comme une mère pour moi aussi, mais les blessures mettent trop de temps à cicatriser et je ne suis pas prête de pardonner, vous pardonner.
J’ai passé le film de notre vie commune, tout ce que nous avons accompli ensemble, les difficultés surmontées, les rires, les voyages, les moments de bonheur et aussi ta froideur glaciale et ton air si dur et insensible, quand tu enfonces le couteau dans la plaie et que tu me vexes à ton tour !
Pour ça je ne te pardonne pas et le doute s’empare de moi, je doute de tout, de nous de notre avenir ensemble, que peut-être nos chemins se sépareront quelque part et cela m’irrite, pourquoi en arriver là, nous étions heureux, et basta !
Il a fallu qu’elle soit là, qu’elle me rejette tout son mal-être dû au confinement peut-être, qu’elle nous chamboule la vie qui était si bien ordonnée, si bien remplie.
Une petite voix tout au fond de moi me parle, me dit « Reste avec lui, ne laisse pas tout tomber ». Et en effet, je ne peux pas, je ne veux pas croire à une fin comme ça, malgré le mal que tu m’as infligé. Ceci dit, je sens que le spectre d’une rupture rôde toujours autour de nous.
Je n’arrive toujours pas à comprendre son attitude, qu’est-ce qu’elle voulait, c’est clair que c’était une démonstration de force et de pouvoir, elle, la mère contre moi l’épouse (qu’est-ce que j’ai envie de lire « Des mères contre des femmes », c’est certain que ce me sera de grande utilité), mais ces temps sont révolus et ta mère ne réussira jamais à m’imposer quoi que ce soit, je suis libre et autonome, et aussi gentille et serviable, je l’ai toujours été depuis plusieurs années déjà, j’ai accueilli, j’ai préparé des diners de fête, c’était toujours la foire chez-nous, je le faisais avec plaisir, pour toi, qui aime tant réunir tous les membres de ta famille, nos vacances, nos étés ont toujours été bien remplis, toujours avec plein de monde à la maison, mais il se fait que je suis fatiguée, je veux vivre un peu pour nous rien que nous, mais cela vous est tellement difficile à comprendre pourtant je l’ai dit et redit mais personne ne veut m’écouter.
Alors maintenant, je le redis haut et fort et à bon entendeur salut ! C’est fini les réceptions, les petits bons plats, les tartes au citron, framboises et au chocolat, pourquoi il a fallu que je sois si bonne cuisinière ! Mais heureusement que ce n’est pas mon seul atout, oui des fois je remercie cette persévérance née avec moi, cette intelligence développée au fil des années à travers mes études, qui m’ont façonné un si beau bouclier contre les injustices d’une société face aux femmes. Et quand je parle d’études, je veux surtout citer la littérature française qui m’a offert une âme romantique, sensible et rêveuse, le genre et ses lunettes si précieuses pour démasquer les stéréotypes, les inégalités et les déboires d’une culture trop machiste, sans oublier la cerise sur le gâteau : les sciences sociales et notamment la sociologie qui m’a si bien ouvert les yeux pour comprendre des attitudes et des croyances…
Des fois je remercie cette petite fille en moi, qui a compris si tôt que l’école et l’université lui donneront des ailes pour voler plus loin et découvrir les joies de l’autonomie financière et du pouvoir qu’elle procure. Un pouvoir, une place qu’il faut toujours négocier, tel est le destin des femmes, mais faut-il qu’elles aient la force et le courage de remettre en question un système en marche depuis presque toujours, de négocier encore, d’arracher des droits, beaucoup de fois, dans le sang et la douleur des plus atroces.
Je te regarde longuement comme pour assouvir la soif de mes yeux de toi, ou peut-être pour me remplir de tes traits, tout fixer : tes yeux noisette, ton nez si bien fait, ta bouche que j’aime embrasser toujours sans te prévenir, des baisers qui déclenchent des sourires magnifiques. J’ignore pourquoi j’ai tellement envie de continuer à te fixer, peut-être pour me rappeler de toutes ces choses qui font que je t’aime toujours et me persuader de rester auprès de toi.
Mais ne crie pas victoire, je reste mais pas sans réaffirmer ma place, mon autorité, mes droits et rien ne sera plus comme avant, sauf la force des liens qui nous unissent.
J’espère que tu auras bien retenu des leçons de cette tempête qui s’est abattue sur nous, que tu réaliseras combien je te suis si chère, si précieuse, que je suis la femme de ta vie, qu’il faudra toujours baigner de ton amour, ta tendresse et ton attention tel un arbre que tu plante au fond de ton cœur, et surtout prends garde de faire l’économie du soin, sinon ça sera trop tard, il sèchera tellement vite que tu ne t’en apercevras même pas.
Une fois mon choix fait, pendant cette nuit douce du mois de juin, je te vois venir vers moi avec tes yeux pleins de désir et d’amour et je me laisse aller vers toi comme si on s’était retrouvé après des mois ou des années d’absence, on se serre mon corps contre le tien, très fort comme pour nous imprégner de ta peau contre la mienne, te sentir, me sentir comme si on voulait vérifier que ce n’est pas un rêve, qu’on est toujours ensemble et que le spectre de cette rupture est bien derrière nous. Alors je me laisse couvrir de tes baisers si ardents, au mouvement de ton corps contre le mien, je continue à te serrer, à te passer mes mains sur le dos, la nuque et on s’embrasse encore et encore, comme pour célébrer une nouvelle union, des retrouvailles tant attendues après un grand périple.
Je me sens forte et fière de ton amour, eh oui il faut bien le dire, après le doute vient la lumière du soleil d’un nouveau jour pour semer confiance et quiétude et ça me fait du bien.
Après cette nuit, j’ai vu mon corps, mes sens se laisser porter par la douceur de la petite brise matinal au chant des oiseaux, tout me donnait envie de me prélasser sur un relaxe, un canapé, un lit, peu importe, et je me laissais tomber dans les bras de Morphée. C’était une fatigue intense, comme si j’étais un soldat qu’on avait envoyé au front combattre l’ennemi, j’avais, par moment, l’impression qu’on m’avait vidée de toute mon énergie et mon tempérament de bonne vivante, tellement j’avais besoin de repos. Mais avec moi cela ne dure jamais longtemps et je me relève pour me faire belle, très belle pour moi et aussi pour toi. J’ai toujours compris combien il est nécessaire de maintenir, au sein du couple, ce jeu de séduction permanent, entretenir cette flamme qui donne sens à l’union de deux êtres, surtout ne pas tomber dans la routine et négliger le couple au milieu des autres préoccupations de la vie quotidienne, le travail, les enfants, les courses, le ménage…
Autre élément clé du maintien de cette flamme, c’est la sexualité, eh oui c’est la charpente qui porte le poids de toute relation, ce n’est jamais un plus ou quelque chose qu’on peut reléguer au second plan, non surtout pas. Je ne sais pas pourquoi, j’avais compris ça depuis le début de notre mariage et pourtant dieu sait que je n’ai jamais reçu d’éducation sexuelle, que tu étais mon premier, que je n’ai jamais connue les joies du sexe avant toi. Ceci dit, j’ai appris vite et je savais combien c’est important, je me rappelle combien de fois je discutais de ça avec toi, à tel point que tu me trouvais trop directe, que je n’étais pas du tout gênée d’exiger qu’on ait justement une activité sexuelle bien remplie et quotidienne. La fatigue, le travail ne doivent jamais être un prétexte et le désir était toujours là, il répondait toujours présent, à notre grand bonheur surtout quand on est ouvert à la créativité, à essayer de nouveaux jeux.
Je me demande par moments d’où j’ai pu avoir toute cette sagesse et, pourtant, je n’ai eu qu’un seul conseil de la part d’une cousine, le jour de mon mariage, elle m’a dit qu’il ne faut pas qu’une femme se néglige, elle doit faire attention à son apparence et notamment la lingerie qu’elle porte, il faut que ça soit toujours impeccable, que je dois toujours suivre ce conseil, même quand j’attendrai un âge avancé.
J’ai suivi ce conseil à la lettre, en me faisant plaisir, à prendre soin de moi et de mes underwear, mais tu as toujours été avec moi pour choisir et j’exigeais que tu sois là, parce que je sais que tu as bon goût, d’autres fois je faisais mes achats seule quand l’envie d’oser de nouvelles tendances me prend, il faut bien suivre la mode par moments !
Parmi les avantages de cette autonomie financière, c’est qu’une femme peut se faire plaisir sans compter et sans devoir compter sur l’appui financier de son mari, et à attendre que son tour arrive dans toutes les priorités de la vie quotidienne. Alors grand merci à ce salaire qui arrive à chaque fin de mois.
Les jours passent après cette tempête et je vois que tu as compris que je ne suis pas prête à lui pardonner, que les choses resteront ainsi, tu es resté entre deux feux celui de ta mère et celui de ta femme mais malgré tout l’amour que j’ai pour toi, je ne suis pas capable d’oublier ce qu’elle a fait, je pense qu’il faut laisser le temps faire son œuvre et laisser passer. La meilleure chose que tu feras c’est de respecter mon choix. Peut-être qu’avec le temps, cette blessure guérira qui sait !?
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