Je me réveille avec ton dos contre le mien. On bouge un peu, on se retourne, la journée débute.
- Hey...
- Hey…
- Bien dormi ?
- Bof.
- Pareil.
- Bon… On va déjeuner ?
- On ne se ferait pas un café d’abord ?
C’est tous les jours le jour de la marmotte, chaque matin le générique de Westworld débarque dans ma tête. On se fait un café, et puis un deuxième. Côte à côte à cette table de bar sur laquelle on mange notre déjeuner du bout des lèvres, ton coude touche le mien. Dans une autre version, moi dans le salon, toi dans la chambre, on boucle les bagages pour ces vacances qu’on attendait depuis des mois.
- Tu vas faire quoi, ce matin ?
- Un peu de lecture, je crois. Toi ?
- Bosser un peu, et puis on verra.
PC qui démarre, machine à café, les pages qui se tournent. D’où je suis, je peux voir le texte de ton livre quand, parfois, tu me lis un passage à voix haute. Dans une autre version, je suis partie prendre le tram, avec dans les mains le résumé du cours dont je m’apprête à passer l’exam. Je peste parce qu’il n’y a pas de places assises, je t’envoie un message rempli d’emojis énervés.
- Il reste de la soupe pour ce midi ?
- Oui, je crois, mais il n’y a plus de pain. On fait quoi ?
- Y en a encore dans le congél, pas besoin de sortir.
Le micro-ondes gronde, le sac à pain bruisse. Je te passe le beurre. Dans une autre version, je t’écris que je viens de refuser une invitation de lunch avec mes collègues, je n’ai pas la tête à ça, en vrai j’en ai marre de voir du monde et j’ai besoin d’un break, et en plus ils voulaient aller dans le centre.
- Tu bosses encore ou t’es sur Facebook ?
- Facebook, de toute façon il ne se passe rien au taf.
- T’as envie de manger quoi, ce soir ?
- Je sais pas, y a des restes d’hier ?
- Oui, il y a de quoi faire.
- On mange ça ?
- Deal. Apéro d’abord ?
Pschiiit, le bruit du décapsuleur, les verres sortis de l’armoire, quelques chips ? Non merci, on va faire ce qu’on peut pour ne pas ressembler à des ours qui sortent d’hibernation quand tout ça sera fini, mais merci d’avoir ouvert ma bière. Dans une autre version, je te demande si on n’irait pas boire un verre en terrasse, y avait pas truc et machine qui étaient de sortie ? On se retrouve sur place, et puis on se prendrait un truc à grignoter ?
Micro-ondes à nouveau, couverts qui tintent, on s’assied à table parce qu’on a déjà dîné devant la télé, une fois sur la journée ça va, mais bon, restons civilisées. Dans une autre version, on est en route vers le resto, dis-moi quand tu arrives, je pense que je serai là avant toi. T’imagines qu’on va voir un truc de ce metteur en scène que tu adores ? Oui, c’est bien parce que c’est lui, sinon je serais bien restée à la maison.
On regarde un épisode. Dans une autre version, on sort du spectacle, on se dirige vers le bar avec les potes. Tu parles avec celleux qui nous entourent ; d’où je suis, je te vois plus que je ne t’entends : j’ai trouvé que c’était franchement décevant, mais toi, t’as l’air d’avoir adoré. Mais oui, c’était génial, y a tellement de trucs à dire. Sérieusement, pour moi c’était surtout une démonstration. Je te trouve tellement belle quand tu t’emportes.
On regarde un épisode. Dans une autre version, tout le monde est parti. On a trouvé des tabourets près du bar, il ne reste que toi et moi, on reste encore un peu ? Ta main sur mon bras, oui, ne rentrons pas tout de suite, on s’amuse bien.
On regarde un épisode. Dans une autre version, on rigole comme des adolescentes, mes yeux sont rivés aux tiens. Vraiment, tu ne trouves pas qu’il y avait du Lynch là-dedans ? Je ne suis pas tout à fait d’accord, mais t’es belle, embrasse-moi. On reprend un verre ?
On regarde un épisode. Dans une autre version, on sort du taxi en titubant, je t’ai tenu la main pendant tout le trajet. On a trop parlé au conducteur, il était sympa mais il nous prenait pour des dingues, tu ne crois pas ?
On se brosse les dents. Dans une autre version, je te déshabille, j’ai envie de toi, oui on a un peu trop bu, mais c’est pas grave, il n’est pas si tard, après tout demain c’est samedi.
Pyjama, bouquin, on éteint ? Dans une autre version, je m’endors dans tes bras, sans m’interroger sur la manière dont le monde est venu se glisser entre ton corps et le mien.
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